Qu'est-ce qu'une épidermolyse bulleuse héréditaire ?

Les épidermolyses bulleuses héréditaires sont des maladies génétiques, caractérisées par une fragilité de la peau et des muqueuses. Cette fragilité se traduit par l'apparition de bulles ou d'érosions cutanées lors des traumatismes minimes de la peau, ou survenant même de manière spontanée. Ces atteintes sont comme des brûlures, de profondeur variable, douloureuses et pouvant laisser des séquelles. Mais leur particularité est de se répéter. C'est la fréquence de ces répétitions, la fragilité aux traumatismes et la profondeur des lésions qui entraînent la gravité de cette maladie. Ces facteurs dépendent de la forme génétique de la maladie. Ces différents types sont d'évolution et de pronostic très différents, allant d'une gène mineure à des formes rapidement incompatibles avec la vie.
 

Pourquoi ?

Les épidermolyses bulleuses sont des maladies génétiques secondaires à des mutations de gènes intervenant dans la fabrication de protéines permettant la cohésion des différents composants cellulaires de la peau. Cette protéine est absente ou ne fonctionne plus normalement, et ne remplit plus son rôle essentiel de lien entre les différentes couches de la peau. Il existe 3 différentes formes d'épidermolyse bulleuse de gravité variable : l'épidermolyse bulleuse simple pour laquelle le défaut de cohésion se situe entre les cellules de l'épiderme (couche la plus superficielle de la peau) ; l'épidermolyse bulleuse jonctionnelle où l'anomalie se situe à la jonction de l'épiderme et du derme (situé sous l'épiderme) et l'épidermolyse bulleuse dystrophique où l'anomalie se situe dans le derme (voir schéma de la peau).

Il existe de nombreuses mutations génétiques, responsables des différentes formes d'épidermolyse bulleuse. Les mutations génétiques ne sont actuellement pas toutes identifiées et la recherche moléculaire se poursuit pour une meilleure classification et meilleure prise en charge de ces maladies. Ces maladies sont de transmission familiale selon deux modes possibles :
- par l'un des deux parents lui-même atteint (transmission dominante) avec expression de la maladie lorsqu'un seul des deux exemplaires du gène est muté ;
- ou lorsque le patient est porteur de deux gènes anormaux transmis par chacun de ses parents (transmission récessive).
Les garçons sont autant touchés que les filles.
 

Quels symptômes et quelles conséquences ?

L'épidermolyse bulleuse se caractérise avant tout par une fragilité majeure de la peau et des muqueuses, se traduisant par des bulles rapidement suivies d'érosions post-bulleuses. On distingue des tableaux cliniques différents en fonction du type d'épidermolyse bulleuse :

1. L'épidermolyse bulleuse simple est la forme la plus fréquente et se manifeste par des bulles des mains et des pieds survenant parfois dès la naissance, ou le plus souvent à l'âge de la marche. Les bulles sont déclenchées par les chocs et les frottements, et favorisées par la chaleur. Il existe rarement d'atteinte de la muqueuse buccale. Les lésions s'améliorent généralement dans l'enfance ou à la puberté, avec persistance d'une fragilité cutanée. Ces épidermolyses bulleuses sont, à de rares exceptions près, compatibles avec une vie « normale ». Les complications chez ces enfants sont essentiellement infectieuses et fonctionnelles avec notamment des problèmes de rétraction et des problèmes de retard à la marche du fait d'un épaississement cutané plantaire parfois majeur.

2. L'épidermolyse bulleuse jonctionnelle représente un groupe de maladies très varié sur le plan clinique et génétique. Certaines d'entre elles sont rapidement mortelles du fait de complications respiratoires et infectieuses. D'autres formes, non mortelles, se rapprochent cliniquement de l'épidermolyse bulleuse simple et sont compatibles avec une vie normale.

3. Les Épidermolyses bulleuses dystrophiques (EBD) sont classées en deux groupes selon leur mode de transmission :

- L'EBD dominante est caractérisée par une éruption bulleuse généralisée mais épargnant le plus souvent les muqueuses. Elle prédomine ensuite aux zones de traumatismes et s'améliore progressivement avec l'âge. Les bulles laissent des cicatrices avec petits kystes blanchâtres, témoignant de séquelles bulleuses.
- La forme récessive est une forme grave, responsable de handicap majeur. Les lésions bulleuses apparaissent à la moindre pression ou de manière spontanée. Les lésions muqueuses sont fréquentes, entraînant une gène importante à l'alimentation, nécessitant le plus souvent le recours à la pose d'une sonde dans l'estomac pour réalimentation. Les lésions bulleuses sont rapidement responsables de fusions des doigts et des orteils ainsi que de rétractions cutanées importantes responsables d'un handicap fonctionnel majeur. Dans cette forme, il existe fréquemment des problèmes de chute de cheveux liés à la cicatrisation des lésions bulleuses du cuir chevelu avec retentissement psychologique parfois très important chez ces enfants. La présence de plaies chroniques avec décollement cutanés souvent majeurs, peuvent-être à l'origine de deux grands types de complications : les surinfections bactériennes cutanées avec parfois passage de germes dans la circulation sanguine et la survenue de cancers cutanés. Il existe souvent dans cette dernière forme une ostéoporose, parfois majeure, liée en grande partie à l'immobilisation prolongée de ces enfants et à une carence en vitamine D, fréquente dans ces formes. Cette ostéoporose est responsable de douleurs chroniques nécessitant le recours à des antalgiques parfois puissants.

Les ongles sont fréquemment atteints dans les deux formes d'épidermolyse bulleuse dystrophique, avec chute souvent précoce dans les formes récessives.
Les conséquences communes à ces trois types d'EB sont essentiellement : la douleur lors de la formation de nouvelles bulles et lors des soins ; le stress engendré par ces soins quotidiens, la possibilité de démangeaisons chroniques pouvant devenir très invalidantes, engendrant parfois des troubles du sommeil.
Dans les formes les plus sévères, un syndrome dépressif s'installe souvent à l'adolescence, lié d'une part à des douleurs, notamment osseuses et parfois intolérables, mais également au confinement à domicile quelque fois difficile à éviter à un stade avancé de la maladie.
 

Quelques chiffres

Les épidermolyses bulleuses touchent environ 1 nouveau-né sur 20 000 ce qui signifie environ 30 000 cas en Europe et 500 000 dans le monde, adultes et enfants confondus.
Il y aurait 700 à 800 enfants ou jeunes atteints en France.
 

Traitement

Il n'existe actuellement aucun moyen de traiter la cause génétique de ces maladies, donc de modifier radicalement l'évolution spontanée de ces patients.
Dans toutes les cas il convient d'éviter l'usage de pansements collants qui entraîneraient des décollements cutanés importants.

Dans les formes graves, ces enfants auront de manière chronique des érosions cutanés avec des séquelles parfois importantes. Les mesures symptomatiques prennent une importance considérable dans la prise en charge de ces patients et les soins infirmiers sont la pierre d'angle de la prise en charge médicale de ces patients. Ces soins sont quotidiens et peuvent prendre plusieurs heures chez les patients atteints d'épidermolyse dystrophique récessive.
Ils consistent à percer les nouvelles bulles avec désinfection soigneuse des plaies, à la réalisation d'un bain quotidien, puis à l'application de pansements gras non collants.
- Il est nécessaire de limiter les complications immédiates avec lutte contre la surinfection des lésions : antisepsie rigoureuse, application de pommades antibiotiques en cas de signe d'infection débutante.
- Il est également important de lutter contre la dénutrition et les carences vitaminiques en rapport avec les difficultés d'alimentation posées par ces enfants. La qualité de cette alimentation est fondamentale chez ces enfants qui ont des besoins particuliers en rapport avec le renouvellement accéléré de la peau (cicatrisation) et aux pertes de nutriments par la peau. Le recours à une sonde d'alimentation placée dans l'estomac à travers la peau est parfois nécessaire dans les formes les plus sévères.
- La kinésithérapie motrice est également fondamentale car elle permet de limiter les possibles difficultés à la marche en rapport avec l'épaississement cutané de la plante des pieds et les rétractions cutanées caractéristiques des formes graves de la maladie.
- Le traitement orthopédique permet d'éviter certaines rétractions avec la confection d'attelles possibles. Il permet également de corriger les fusions des doigts engendré par la cicatrisation des érosions cutanées chroniques.
- L'évaluation de la douleur avec prescription d'antalgiques plus ou moins puissants selon l'importance des décollements cutanés et des rétractions cutanées est fondamentale.
- La réadaptation fonctionnelle et l'ergothérapie sont importantes chez ces enfants pour l'acquisition d'une autonomie maximale ou le maintien de celle-ci. Elles sont particulièrement indiquées chez les enfants ayant une atteinte grave, nécessitant parfois le recours à des aides techniques comme des aides au déplacement (déambulateur, fauteuil roulant, etc.) ou des adaptations à l'écriture comme les tables à hauteur réglables, les ordinateurs, etc.
 

Conséquences sur la vie scolaire

Les capacités d'apprentissage ne sont pas altérées et le potentiel intellectuel de ces enfant est normal. Les différentes formes d'épidermolyse bulleuse sont de gravité variable mais dans la majorité des cas, au moins pendant la petite enfance, ces enfants doivent mener la scolarité la plus semblable possible à celle de leurs camarades. Certains ont un grand investissement dans les activités intellectuelles, bien que pouvant être gênés par leurs douleurs et leurs démangeaisons.
Comme pour toutes les maladies chroniques, des aménagements peuvent être nécessaires. Ces aménagements visent essentiellement à éviter la formation de nouvelles bulles, provoquées le plus souvent par les frottements et les appuis prolongés. Il est donc souvent nécessaire d'installer confortablement ces enfants avec mise en place de coussins sur la chaise. Ces bulles sont également provoquées par des variations thermiques et il faut donc veiller à ne pas placer ses enfants près de la fenêtre en été ou près des radiateurs en hiver. Il est important que l'enfant atteint d'EB ne porte pas un cartable trop lourd qui favoriserait l'apparition de bulles. Il est donc préférable que l'enfant ait tous ces livres en deux exemplaires pour lui éviter de transporter ses affaires entre l'école et la maison. Les chaussures peuvent parfois présenter un problème pour les enfant atteints d'EB. En effet ces chaussures peuvent être trop serrées en raisons des bandages et provoquer de nouvelles bulles. Il est donc important d'accepter que l'enfant puisse assister au cours en chaussons ou grosses chaussettes. Dans les formes sévères de la maladie avec rétractions tendineuses et fusion des doigts, l'écriture et les gestes quotidiens peuvent être plus difficiles et lents et il est parfois nécessaire de prévoir une adaptation du temps de travail, avec notamment l'autorisation d'un tiers-temps pour les épreuves à durée limitée. Certains enfants peuvent nécessiter la présence d'un accompagnant d'élève en situation de handicap (AESH) alors que d'autres seront autonomes si certaines petites précautions sont prises.
Par ailleurs, des consultations ou des hospitalisations pour bilan sont parfois nécessaires avec pour conséquence un absentéisme scolaire.
 

Quand faire attention ?

Il est nécessaire d'être attentif à la façon dont l'enfant est intégré au sein de la classe et à son isolement possible. En effet, ces maladies cutanées sont parfois « affichantes » et impressionnantes dans les formes dystrophiques sévères, et par conséquent être responsables d'exclusion. L'idée d'une possible contagion ou manque d'hygiène peut également favoriser cette exclusion et il est important que les autres enfants de la classe et leur famille puissent être informé de cette absence de contagiosité.
En revanche, il est préférable pour l'enfant atteint d'épidermolyse bulleuse, d'éviter le contact avec d'autres enfants atteints de maladies bactériennes ou virales (ex : un enfant qui a un herpès ou un panaris) susceptibles d'induire chez lui des décollements cutanés majeurs (ces précautions seront détaillées dans un Projet d'accueil individualisé (PAI).

Toutes les situations nécessitant une activité physique doivent bénéficier d'une attention particulière. En effet, il est important d'éviter les chutes ou les bousculades, pouvant être à l'origine de bulles et de décollement cutané. Un enfant atteint d'EB connaît rapidement lui-même ses limites, il faut donc éviter la surprotection qui majorerait son sentiment de différence. En ce qui concerne les activités sportives, il peut être intéressant de discuter au préalable avec l'enfant et ses parents de ce que l'enfant peut faire ou ne pas faire. Certaines activités pourront être pratiquées un jour et pas le lendemain, du fait de nouvelles bulles ou d'autres complications de sa maladie. Il est important de laisser l'enfant choisir ses activités, car il vaut parfois mieux provoquer quelques bulles que le priver de jeux collectifs indispensables à son épanouissement.
Il est important, en cas de chute avec plaies cutanées, de ne pas appliquer de pansements collants qui engendreraient des décollements cutanés importants (ces précautions seront détaillées dans la PAI).

La cantine peut être un moment difficile pour ces enfants puisque dans toutes les formes, la présence de bulles dans la bouche peut les empêcher d'avoir une alimentation normale. Plus rarement, la présence d'un rétrécissement au niveau de l'œsophage nécessite le recours à une alimentation mixée ce qui peut parfois amplifier un sentiment de différence ou d'exclusion. Dans ces cas, il est important que le personnel de cantine, associé au PAI, veille au climat de respect mutuel en prévenant les remarques négatives et les moqueries. Il n'existe pas d'allergie particulière et l'attention sera plus portée sur la forme de certains aliments (semi-liquides ou non irritant pour la muqueuse).
 

Comment améliorer la vie scolaire des enfants malades ?

Les formes les plus fréquentes d'EB ne nécessitent généralement que peu d'aménagements permettant d'améliorer la qualité de vie de ces patients :
- Penser à installer des coussins sur les chaises des enfants.
- Donner à l'enfant plus de temps pour terminer son travail et pour les examens (tiers-temps).
- Permettre l'utilisation d'ordinateurs.
- Avoir deux séries de livres scolaires, une pour la maison et une pour l'école, et un cartable à roulettes particulièrement pour le collège ou le lycée.

Pour les enfants présentant une forme sévère avec rétractions nécessitant le recours à un fauteuil roulant, il est important de prévoir une classe au rez-de-chaussée ou accessible grâce à un plan incliné, avec tables et pupitres s'adaptant au fauteuil roulant.
- Remplacer autant que possible l'écrit par l'oral, autoriser les cours polycopiés.
- Accorder un soutien scolaire pour compenser le retard dû aux absences.
- Scolarisation en période d'immobilisation ou d'hospitalisation : à domicile, chercher à assurer un suivi scolaire, en s'appuyant par exemple sur les Sapad, à l'hôpital ou en établissement sanitaire, une liaison pédagogique est mise en place avec les enseignants exerçant dans ces structures.
 

L'avenir

Les progrès de la recherche et la mise en évidence de nouvelles mutations a permis d'affiner la classification de ces maladies avec meilleure compréhension des différentes formes cliniques. La thérapie génique avec restauration des fonctions du gène manquant est la perspective d'avenir. La greffe de cellules de l'épiderme et du derme génétiquement corrigés, pouvant exprimer la protéine défectueuse chez ces patients, est une des principales voies actuellement poursuivies.

Les épidermolyses bulleuses
Document du site du Centre de référence national des maladies génétiques à expression cutanée (Magec).

Projet d'accueil individualisé (PAI)

Projet contracté entre la famille et l'école d'accueil, avec l'aide du médecin scolaire ou du médecin de PMI pour les enfants de moins de trois ans, chaque fois que l'état de santé d'un élève nécessite un aménagement significatif de son accueil à l'école ordinaire, mais n'engage pas des dispositifs spécialisés devant être validés par la MDPH (Maison Départementale des Personnes Handicapées) (voir fiche spécifique).

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