Préambule
Il semble aller de soi que les élèves malades, quel que soit leur mode de scolarisation (scolarisation à l’école ordinaire avec un PAI, dans un dispositif inclusif (Ulis), en Unité d’Enseignement (UE) en milieu sanitaire ou encore à domicile), puissent bénéficier pleinement, au même titre que tous les élèves, de l’Éducation Artistique et Culturelle (EAC) dispensée à l’école, dans le cadre des enseignements obligatoires.
Mais on peut constater que leur participation dans ce domaine reste souvent limitée par rapport à celle de leurs camarades, aussi bien du point de vue de la diversité des pratiques que des sorties culturelles proposées. Cet état de fait découle en partie des difficultés à faire pratiquer aux élèves certaines activités artistiques du fait de la nature des troubles ou encore de la complexité de leur participation à des sorties culturelles, en raison des exigences renforcées de sécurité sanitaire. Par ailleurs, le temps de scolarisation de la plupart de ces élèves étant réduit par les soins ou les hospitalisations, les disciplines dites principales (mathématiques, français par exemple) sont en général considérées comme prioritaires. Les enseignants craignent en outre de ne pas « savoir faire » avec ces élèves particuliers ou encore de les exposer inutilement. Or, il se trouve qu’en dehors du temps scolaire, les contraintes inhérentes à la maladie empêchent souvent les élèves de pratiquer des activités artistiques ou de bénéficier de sorties culturelles dans un cadre privé.
Pourtant les compétences spécifiques sollicitées et développées par la pratique artistique et la fréquentation des œuvres permettent souvent à ces élèves de montrer leurs ressources, même lorsque leurs performances sont altérées par la maladie. Ils peuvent ainsi renouer, voire se réconcilier, avec les apprentissages scolaires et avec l'école en général, lorsque la chronicité des troubles a entraîné de la déscolarisation et des lacunes scolaires occasionnant des retards ou des échecs scolaires répétés. En effet l’approche artistique permet de travailler certains aspects des programmes de façon plus motivante et plus ludique. Par ailleurs, l’ouverture culturelle, associée à la pratique, constitue l'occasion de répondre à des besoins particuliers de ces élèves parfois marginalisés, en termes d'inclusion scolaire et sociale. De plus, ce domaine d’enseignement, par sa pluralité d’approches (rencontres avec de œuvres ou des artistes, pratiques et acquisition de connaissances), se prête à la fois à la temporalité particulière de l’apprentissage des élèves atteints de maladies chroniques et à leur besoin d’expression et de créativité face à un vécu hors norme et souvent douloureux.
Dans cette perspective, il est donc important d’identifier pour eux les bénéfices de l'Éducation Artistique et Culturelle (EAC), de dégager les démarches pédagogiques adaptées à leurs Besoins Éducatifs Particuliers (BEP) et des pratiques pédagogiques pertinentes dans ce domaine.
L’éducation artistique et culturelle : une obligation et un droit pour tous
Bref rappel du cadre réglementaire actuel
Les différents champs artistiques font, depuis longtemps, l'objet d'apprentissages à l'école et au lycée, et pas seulement dans le cadre des disciplines artistiques. En dehors de la musique et des arts visuels, de l’écriture, ou de l’étude systématique du discours théâtral dans les programmes de français, de nombreux champs artistiques ou culturels ont toujours été explorés, non seulement avec l’objectif que les élèves apprennent l’art et la culture mais aussi qu'ils apprennent par l’art (en langues vivantes notamment). L'introduction, en 2008, de l'enseignement obligatoire de « l'histoire des arts » dans les programmes de l'école primaire et jusqu'au baccalauréat et de son évaluation officielle, permet la découverte de champs artistiques nouveaux et donne un cadre obligatoire, national et interdisciplinaire à des enseignements jusque-là épars et parfois considérés comme facultatifs ou optionnels. La mise en place du Parcours d'Éducation Artistique et Culturelle (PEAC), explicitée en 2015, va plus loin encore et affirme une véritable volonté de promouvoir cette véritable éducation à l’art et par l’art, grâce à la formalisation et la mise en cohérence d'actions pédagogiques et de partenariats encore éparpillés. Ce parcours encourage et préconise, pour chaque élève, une sensibilisation à différents arts et un portfolio individuel garde trace de ces différentes expériences et suit l’élève durant toute sa scolarité. L'Éducation Artistique et Culturelle (EAC) s'appuie sur les trois piliers que sont « les rencontres » (la fréquentation des œuvres, la rencontre avec des artistes), « les connaissances » mais aussi et surtout « les pratiques » artistiques en elles-mêmes. Ces trois approches sont indissociables et doivent être mises en œuvre de façon « complémentaire et concomitante ». Le référentiel de l’EAC montre en outre comment l’éducation artistique et culturelle permet de travailler des compétences du Socle Commun de Connaissances de Compétences et de Culture (SCCCC) dans des disciplines et des domaines variés.
Un droit pour tous
Comme tout élève, l'élève atteint de maladie chronique est en droit de bénéficier de tous les enseignements artistiques et actions culturelles proposés à l'école. A ce titre, il doit aussi pouvoir pratiquer les arts dans le cadre scolaire et s'initier, comme les autres, à la démarche artistique dans différents champs. Cette expérience d’initiation à la création artistique s’avère fondamentale pour le développement et la scolarisation de ces élèves car elle constitue souvent, outre une formation indispensable au développement de tous, une réponse adaptée aux besoins éducatifs particuliers liés aux conséquences de leur maladie.
Des réponses aux besoins particuliers des élèves
Pour les élèves malades, l'éducation artistique et culturelle, et notamment la pratique artistique, présente des enjeux qui ne diffèrent pas essentiellement de ceux qui concernent l'ensemble des élèves dans la mesure où, avant d'être malades, ils sont avant tout des élèves. On peut juste souligner que leurs troubles, accentuent certains besoins éducatifs qui sont ceux de tous et qu'ils en occasionnent parfois d'autres, plus spécifiques.
Les enjeux socio-culturels : la participation sociale
Dans le cadre de projets culturels ou artistiques, les productions de groupe, comme de petits spectacles, des recueils de poésies par exemple, permettent d'expérimenter la vie collective et sont toujours propices à travailler les compétences sociales, en particulier l’implication individuelle et l’initiative. Les élèves malades (en particulier lorsqu’ils sont hospitalisés) sont souvent isolés ou en relation duelle avec les adultes : de ce fait, ils ont besoin, plus que d’autres, de vivre des expériences collectives avec des camarades. Ce « besoin d'appartenance » à un groupe est fondamental. Y répondre permet notamment l'engagement dans les tâches scolaires. De plus, il est important pour eux de prendre une part réellement active aux tâches et projets du groupe et non pas seulement d'exécuter des consignes et de rester passifs face aux situations d'apprentissage.
Par ailleurs l’accès aux codes culturels, aux « œuvres patrimoniales », y compris par la visite de lieux culturels et la rencontre avec des artistes, favorise leur pleine participation sociale sur le territoire où ils sont scolarisés. De nombreux élèves sont scolarisés dans des établissements sanitaires dans le cadre des unités d’enseignement (UE) pour pouvoir bénéficier de soins adaptés. Ils sont souvent déracinés affectivement, géographiquement et même parfois culturellement, étant originaires de régions ou de pays différents. Ainsi la maladie ou ses conséquences en termes de conditions de vie quotidienne a tendance à les isoler et, de ce fait, à limiter leurs activités sociales.
Il est à souligner également que, dans le cadre du « Projet de vie » à envisager pour ceux d’entre eux qui sont reconnus handicapés et bénéficient d’un PPS, la dimension culturelle et artistique ne doit pas être négligée : certains en effet ne pourront pas exercer une profession, mais ils pourront continuer de s’épanouir dans une pratique artistique et nouer des relations sociales dans ce contexte.
Les enjeux scolaires
L'inclusion
Le parcours d'EAC, obligatoire, constitue une trace de l’enseignement reçu, des expériences vécues et aussi des créations réalisées par l’élève. Il faut donc engager les élèves dans des activités créatives diverses et offrir des rencontres culturelles de nature variée quel que soit l’état de santé de l’élève.
On peut insister en outre sur le fait que des compétences spécifiques (et pas seulement transversales) sont mobilisées dans les domaines artistiques et de nombreux élèves s’y montrent souvent très performants. Elles permettent, dès lors qu’on reconnaît en eux ces compétences, à l’équipe éducative d’affiner avec eux leur projet d’orientation et d’envisager des pistes nouvelles pour leur parcours de formation et leur projet de vie.
Par ailleurs, la reconnaissance de compétences réelles et la diffusion ou exposition de productions de qualité, réalisées en milieu scolaire ordinaire ou en milieu sanitaire, favorisent l’inclusion véritable à l'école par la reconnaissance qu’elles occasionnent. En effet ces productions de la part d’élèves, trop souvent encore stigmatisés au sein de la communauté scolaire car considérés comme peu performants, fragiles ou uniquement objets d’inquiétude, font évoluer le regard de l’ensemble de la communauté éducative (élèves, professeurs, éducateurs, etc.).
Les enjeux d'apprentissage : apprendre autrement
Sur le plan cognitif, les activités artistiques, et notamment les pratiques, même minimes, sollicitent plus que d’autres, l’intelligence émotionnelle et convoquent chez l’élève des manières d’apprendre diverses, ce que Howard Gardner par exemple désigne sous le terme d’« Intelligences multiples ». C’est le cas par exemple des activités théâtrales qui sollicitent l’apprentissage par le corps mais aussi des compétences sociales et linguistiques. Les « Arts du son », eux font appel à des compétences rythmiques et mélodiques bien développées en général chez les élèves malades et permettent des réalisations courtes selon la situation médicale de l’élève. À ce titre, la diversité des domaines artistiques à explorer permet aux élèves dont certaines capacités, comme la concentration, la mémoire, sont altérées par la maladie, d’apprendre « autrement » et de s’appuyer sur leurs capacités préservées.
La démarche artistique suppose que l'on apprend « en faisant » et développe un savoir d’expérience. Elle favorise notamment (parce qu’elles lient les apprentissages à l’expérience) la mémorisation et l’évocation qui sont très souvent lésées par la maladie ou les traitements. Il en va de même pour toutes les formes de pratiques artistiques. Les disciplines artistiques, de manière générale, permettent en effet la mise en relation des connaissances ; or, c’est souvent la difficulté à créer ces liens qui affecte particulièrement les élèves malades. En effet l’anxiété, la fatigue et la douleur, les conséquences des traitements, les changements incessants des modalités de scolarisation et de statut (élève/patient) sur une même période scolaire génèrent de la confusion et une perte de repères nuisible aux apprentissages. L’entrée dans un processus de création est d’autant plus nécessaire aux élèves qu’ils ont, pour certains, du mal à penser leurs activités dans une continuité, du fait de leurs troubles ou/et de leur quotidien morcelé. Or la réalisation artistique implique de se « mettre en projet », de se projeter dans un temps long, différent de celui des activités scolaires en général.
Les aspects psychiques et identitaires : restaurer l'estime de soi, gagner en liberté
Il est vrai que les productions artistiques permettent souvent aux élèves de restaurer une image de soi parfois mise à mal, mais il faut insister surtout sur le fait que la pratique artistique, qui suppose exploration, inventivité et création, amène les élèves à « se créer », « s’inventer ». Ils gagnent en liberté. Parce qu’ils peuvent éprouver leur statut de sujet en devenant, en somme, auteurs, ils échappent à la réification que leur maladie implique. Trop souvent objets de soins ou d’inquiétude, ils deviennent, en s’autorisant à inventer et à créer, sujets et acteurs : ils ne subissent plus, ils agissent. La pratique artistique, en effet, suppose que l'élève devienne « auteur », « acteur », qu'il s’« autorise» à explorer les possibles, à définir un projet et à en exposer sa réalisation au regard des autres. Il s'agit de « choisir », de créer, de s'affirmer en tant que personne.
La pratique artistique, nourrie par la fréquentation des œuvres ou des artistes, convoque et développe des compétences spécifiques, particulièrement importantes pour des élèves malades. Elle suppose en effet que l’on soit capable par exemple de faire preuve d’originalité et ainsi de construire sa propre réponse face à une « contrainte » artistique proposée. Il s’agit bien là d’affirmer sa singularité, de ne plus seulement se résoudre à subir ni se conformer au modèle de l’élève dit « normal ». En ce sens, elle participe de la construction de l’estime de soi. Elle nécessite également d’être à l’écoute de son intériorité et de la soumettre au monde via l’exposition et la diffusion des travaux artistiques réalisés. Pour des élèves sans cesse bousculés par les aléas de la maladie, souvent privés de calme et de véritable intimité à l’hôpital par exemple, ce retour à soi est primordial. Le partage avec les autres, propre à la démarche artistique, doit être sans cesse encouragé pour éviter les risques de repli sur soi.
Par ailleurs, la découverte du plaisir d'apprendre et de l'apprentissage dans le plaisir grâce à ces expériences créatives, dans un quotidien souvent envahi par la contrainte, la douleur ou l’anxiété, favorise la réconciliation avec d'autres types d'apprentissages scolaires. Encore faut-il que les pratiques proposées soient rendues « accessibles », c'est à dire qu'on les confronte à des tâches que les élèves soient en mesure de réaliser, avec aide ou sans aide humaine, avec du matériel adapté ou non.
Démarche générale à privilégier
Il est, bien sûr, impossible face à l'extrême diversité des besoins des élèves malades, de fournir des recettes susceptibles d'être valables pour tous les publics, dans tous les contextes et dans tous les champs artistiques. Penser l'accessibilité et l'adaptation pédagogique est un processus complexe, qui nécessite une réflexion permanente et ne peut se résumer à l'utilisation d'outils techniques, qu'il faut néanmoins connaître et proposer. Il est primordial d'identifier les besoins éducatifs de chaque élève, liés parfois à la spécificité du cadre d'apprentissage et de l'objet du « savoir », de les réévaluer sans cesse en fonction de l’évolution de l’état de santé, pour être en mesure d’apporter une réponse appropriée.
Permettre à chaque élève de bénéficier de l'éducation artistique et culturelle, notamment dans le cadre des enseignements artistiques, consiste à privilégier certaines attitudes :
Observer
Construire et proposer des activités pédagogiques accessibles suppose en premier lieu d'identifier les ressources (même minimes) des élèves ; à la fois celles de l'élève : ce qu'il peut faire, ce qu'il sait faire, ce qu'il aime faire, mais aussi celles du groupe/classe. Sans minimiser les obstacles spécifiques qu'on aura pris soin d'identifier, il convient de ne surtout pas se focaliser sur les déficiences et le contournement de celles-ci (d'ailleurs la plupart des élèves savent les contourner mieux qu'on ne le pense).
Pour favoriser la créativité, il faut privilégier l'observation comme modalité d'évaluation et réduire les situations de « contrôle », d'autant que l'élève malade vit dans un monde où aucune activité n'est gratuite ou ludique (examens médicaux multiples, soins).
Dialoguer et faire dialoguer
Il ne faut pas hésiter à multiplier les occasions de mettre l'élève en situation de groupe avec des camarades : les expériences artistiques peuvent constituer une échappatoire utile à l'enfermement individuel induit par la maladie. Il convient de mettre l'élève en position de sujet et d'acteur : lui donner la parole (quelque forme qu'elle prenne, et pas seulement pour répondre aux questions de l'enseignant), lui confier des responsabilités (par rapport à une tâche, à un camarade...). Autant que possible, il faut essayer d'instaurer un dialogue pédagogique pour discuter avec l'élève lui-même le type d'adaptations utiles (quels outils, quels supports privilégier ?).
S'informer, coopérer, rester enseignant
Il est important, dans la conception et la mise en œuvre des activités et projets artistiques et culturels de ne pas s'isoler en tant qu'enseignant, ni par rapport à la structure scolaire (travail en équipe pédagogique, dont les AESH) ni par rapport aux interlocuteurs de l'équipe pluri-catégorielle (médicale, paramédicale, éducative). On pourra ainsi développer des projets, notamment interdisciplinaires, conduits avec non seulement l'éclairage mais la participation active d'intervenants de différents secteurs professionnels. Par exemple, la participation des éducateurs/animateurs pour les sorties, celle d’un ergothérapeute pour la réalisation de créations plastiques peuvent être sollicitées avec profit.
Pour les élève, cette collaboration pluriprofessionnelle est important car elle leur permet de faire fusionner deux aspects de leur vie et de leur identité de patients et d’élèves très souvent imbriquées.
Elle sera d'autant plus fructueuse que le pédagogue reste bien positionné sur son rôle d'enseignant car il s’agit d’un domaine à la frontière des différents secteurs, investis par l’éducatif, le pédagogique et le médical (art thérapie). Il est important que chacun des acteurs agisse dans le cadre de son référentiel ; pour les professeurs il est nécessaire d’être au clair par rapport aux programmes officiels de l’EAC pour affirmer leur identité professionnelle en fixant des objectifs scolaires. Dans ce cadre, il convient de dégager des priorités par rapport au projet individuel de l'élève, en lien avec l'équipe pluridisciplinaire.
Dans les établissements dits « ordinaires », il est indispensable de se rapprocher des interlocuteurs au fait des besoins particuliers des élèves, comme le coordinateur d'Ulis, le professeur-ressource (présent dans certaines académies), le référent-handicap des établissements scolaires, voire l'IEN ASH.
En outre, les partenariats en matière artistique et culturelle sont recommandés et profitables car de nombreux domaines artistiques sont éloignés de la formation des enseignants. Il est nécessaire de se mettre en lien avec les interlocuteurs du secteur de la culture : référents culture des établissements ou/et des Délégués Académiques à l'éducation Artistique et à l'action Culturelle (DAAC), conseillers éducation artistique et culturelle des Directions Régionales des Affaires Culturelles (DRAC), élus municipaux chargés de la culture. Les ressources locales doivent être recensées afin de repérer les champs artistiques, les artistes en résidence et les lieux culturels susceptibles d'être accessibles aux élèves présentant un handicap car souvent les problématiques des élèves malades peuvent rejoindre celles des élèves handicapés.
En outre, de nombreuses associations artistiques et culturelles spécialisées dans le handicap peuvent apporter leur expertise pour des projets. On consultera avec profit, par ailleurs, les « Guides Pratiques pour l'accessibilité », que le ministère de la Culture a édités depuis 2007 ; ils sont consultables en ligne et permettent, en fonction des troubles et des domaines artistiques, de s'informer et de préparer les sorties et activités. En effet les élèves atteints de maladies chroniques, dont les troubles sont souvent intriqués peuvent être concernés, quelquefois seulement temporairement, par les problématiques d’accessibilité motrice, sensorielle ou cognitive.
Se former
Si le dialogue et l'information sont nécessaires à l'identification des besoins des élèves et à la mise en œuvre de réponses adaptées (par exemple, le choix des champs artistiques, des supports d'activités, des outils de compensation…), si les partenariats apportent des éclairages précieux en matière culturelle et artistique, il reste important de se former. Il s’agit d’apprivoiser les craintes que l'on peut avoir à proposer des activités qui engagent l'élève aussi bien sûr le plan cognitif ou émotionnel et de développer des connaissances en termes de démarches et d'outils.
Au niveau académique (PAF) ou national (Module d’Initiative Nationale (MIN ou catalogue de formation continue de l'INSHEA), des stages courts peuvent être proposés concernant cette articulation complexe unissant l’art, la maladie et les apprentissages.
Rester exigeant et donner de l'ambition
Maintenir des exigences pédagogiques avec des élèves dont l’état de santé est fluctuant et imprévisible, est nécessaire et n'empêche nullement de proposer des activités accessibles quant à leurs modalités. La qualité des réalisations ou des prestations doit être recherchée, même si leur cadre et leur temporalité doivent être aménagés. Elles doivent être exigeantes quant à leurs contenus et leur forme : il est nécessaire de donner de l'ambition aux élèves, qui souvent n'ont pas conscience eux-mêmes de leurs propres capacités. À cet égard il vaut mieux rester modeste quant à la quantité ou la taille des productions et privilégier leur qualité. Pour des activités dramatiques, il n’est pas nécessaire par exemple de faire interpréter toute une pièce : des extraits, comme cela se fait d’ailleurs dans les ateliers de comédiens suffisent à de de belles prestations. Il en va de même pour des réalisations musicales : la participation d’un élève malade peut être modeste, par exemple lors d’un spectacle de chorale, pourvu qu’elle soit travaillée et perçue comme « belle ». Il ne s’agit pas de provoquer chez le public un sentiment de pitié mais bien une émotion esthétique véritable.
Pratiques pédagogiques et points de vigilance
Le choix des domaines artistiques : sortir des sentiers battus
Proposer des projets ou des activités adaptées dans le cadre de l’EAC à des élèves atteints de maladies chroniques suppose de connaître le large éventail des domaines artistiques.
Recensés dans le cadre de l’Histoire des arts à l’école, ils sont au nombre de six. Ils ouvrent une multitude de possibilité de pratiques et d’expériences culturelles auxquelles on ne pense pas d’emblée et qui peuvent s’adapter aux centres d’intérêt et aux contraintes de différents modes de scolarisation.
Les six domaines sont présentés ci-dessous et donnent lieu à des suggestions de pistes pédagogiques quant aux choix possibles.
Les « arts de l'espace » concernent l’architecture et l’urbanisme, mais aussi, par exemple, les arts des jardins et les paysages aménagés.
Pour des élèves souvent enfermés dans des lieux de soins l’ouverture sur des arts liés à la nature et l’espace peut être motivante et se prête facilement à des projets interdisciplinaires (Histoire-Géographie, SVT, mathématiques, arts visuels, etc.), tout en prenant en compte la diversité culturelle dont ils sont issus.
Les « arts du langage » renvoient bien sûr à la littérature écrite et orale (roman, nouvelle, fable, légende, conte, mythe, poésie, théâtre, essai…) mais concernent également l’art d’écrire, la graphie et ses techniques avec les inscriptions épigraphiques (inscriptions réalisées sur des matières non putrescibles telles que la pierre, l’argile ou le métal), les calligraphies, les typographies.
L’art de la calligraphie par exemple est riche sur le plan culturel.
Les projets autour de ce champ artistique sont souvent féconds. Sa pratique nécessite une initiation par des intervenants professionnels. Il faut envisager de préférence leur intervention dans le cadre d’ateliers. L’initiation aboutit rapidement des réalisations artistiques spectaculaires, faciles à diffuser (expositions, blogs portfolio numérique, etc.) même si elles sont peu nombreuses. La calligraphie permet à des élèves de toutes origines et de tous niveaux de participer et créer. Elle peut en outre être pratiquée en chambre pour des élèves hospitalisés ou scolarisés à domicile.
On peut s’arrêter également sur les « arts du quotidien », il s’agit des arts appliqués, du design, des métiers d'art et des arts populaires. Souvent oubliés ou méprisés, ils sont pourtant bien présents dans de nombreux musées sur tout le territoire. Ils donnent lieu à des projets porteurs de sens pour des élèves ballottés entre différents lieux de vie et de scolarisation. Les traditions et artisanat d’art de leur département, région ou pays peuvent trouver ici l’occasion d’être connus, valorisés et partagés. Dans le cadre de projets sur les arts populaires, il est souvent utile d’associer directement ou indirectement les familles des élèves, trop souvent éloignés de leur enfant.
Les « arts du son » qui concernent la musique vocale, la musique instrumentale, englobe également la musique de film et le bruitage, et les technologies de création et de diffusion musicales. Travailler sur les musiques de films permet de prendre en compte la culture cinématographique souvent importante des élèves malades et de l’enrichir avec d’autres types de filmographie.
Les « arts du visuel » se confondent trop souvent avec les arts plastiques (architecture, peinture, sculpture, dessin et arts graphiques, photographie, etc.). Ils comptent aussi l’illustration, la bande dessinée, le cinéma, l’audiovisuel, la vidéo, les montages photographiques, les dessins animés, et autres images.
La photographie et la vidéo sont des arts très « accessibles » pour la plupart des élèves. En lien étroit avec les pratiques sociales des jeunes de leur âge, ces formes artistiques sont motivantes et les élèves en maîtrisent en général très bien les aspects techniques. Pour traiter par exemple la thématique du portrait et de l’autoportrait, présente dans les programmes, les projets multimédias, aux modalités souples, sont particulièrement motivants non seulement parce qu’on est à l’ère du narcissisme numérique mais aussi car ils permettent de faire émerger les sentiments et représentations de soi de l’élève malade ainsi que le regard qu’on porte sur lui, de façon médiatisée grâce à la dimension artistique.
Une mention spéciale doit être faite, dans cette dernière catégorie, aux arts numériques et notamment aux jeux vidéo. Les élèves malades sont souvent adeptes des écrans et de ce type de jeux. Ils y développent des compétences pointues qu’il convient de reconnaître et de valoriser. En faire un objet d’étude scolaire permet de faire passer l’élève du statut d’utilisateur (virtuose obligé) au statut d’apprenti concepteur. Il s’agit d’un beau challenge pour valoriser les ressources spécifiques de certains élèves mais aussi pour rétablir chez eux un statut actif d’auteur, de créateur.
Les « arts du spectacle vivant » comptent le théâtre, la musique, la danse, mime, les arts du cirque, les arts de la rue, les marionnettes mais aussi les arts équestres, les feux d’artifice, les jeux d’eaux. Du point de vue de la rencontre avec les œuvres en particulier, ce domaine artistique est essentiel : il permet de réintroduire des expériences sensibles, émotionnelles et multi sensorielles dans l’appréhension de la dimension artistique pour des élèves souvent condamnés aux écrans, aux rencontres virtuelles. (Voir la fiche Activités théâtrales)
La création collective, une modalité à encourager pour les élèves hospitalisés ou scolarisés à domicile
Le besoin d’appartenance à un groupe est essentiel à tous mais aiguisé chez des élèves habitués à être isolés de leurs pairs ou trop entourés par les adultes. Lors des ruptures avec le milieu scolaire ordinaire (hospitalisations ou soins de suite, scolarisation à domicile via le Sapad), il est important de faire en sorte que les élèves aient l’occasion de s’inscrire avec des camarades de leur établissement ou/et du cadre sanitaire dans des projets communs. Les projets artistiques se prêtent bien à cette nécessité.
De nombreuses modalités permettent aujourd’hui de se doter de supports partageables numériquement et la communication virtuelle, via les applications, réseaux sociaux..., dont les élèves sont champions, doit être mise au service d’un projet scolaire de création collective pour renforcer le sentiment d’appartenance et démultiplier les facteurs favorisant l’apprentissage. À cet égard l’écriture créative (recueil poétiques, rédaction de récits, de contes) peut facilement inscrire des productions individuelles à l’intérieur de projet collectif, notamment à travers les blogs des journaux d’école (y compris des établissements hospitaliers).
La rencontre avec des œuvres et des artistes : multiplier les modalités
Les sorties culturelles peuvent se faire selon différentes modalités. Les sorties « effectives » et visites virtuelles doivent être proposées. Il ne faut pas les opposer : leur apport est complémentaire. A noter cependant qu’il ne faut pas céder à la tentation du « tout virtuel », sous prétexte que les élèves peuvent avoir du mal à se déplacer. Certaines œuvres supposent une appréhension directe, sinon elles perdent leur pouvoir esthétique. Par exemple, les sorties culturelles au théâtre (spectacle vivant) s’imposent pour faire connaître le genre théâtral, car l’œuvre dramatique est faite pour être jouée et vue ! Concernant les « arts plastiques » et les « arts du quotidien », la perception sensible des œuvres est nécessaire. Il vaut mieux réduire le nombre de sorties, se servir des modalités « virtuelles de découverte en amont et aval, pour en faciliter l’accès pédagogique et notamment choisir des œuvres en lien avec des thématiques qui font sens pour les élèves malades.
Faire entrer l’art à l’école ordinaire ou dans le cadre sanitaire
Il est possible et souhaitable par ailleurs de provoquer les rencontres avec des œuvres et des artistes dans le cadre de scolarisation des élèves malades. De nombreux artistes (notamment en résidence), des écrivains, des conteurs, des musiciens, des danseurs acceptent de venir présenter leurs œuvres et dialoguer avec les élèves à l’école ou dans les établissements sanitaires. Des compagnies théâtrales peuvent même installer des spectacles mobiles pour des représentations.
En veillant au respect des élèves
Il est important dans le cadre de l’ensemble des partenariats artistiques de ne pas exposer les élèves malades à des pratiques ou des rencontres culturelles dans lesquelles leur profit pédagogique est perdu de vue. On assiste en effet parfois, particulièrement, dans le cadre sanitaire, à de multiples sollicitations artistiques et culturelles. Le public des enfants malades interpelle la société et les artistes ou structures culturelles souhaitent apporter leur contribution à l’épanouissement de ces jeunes. Mais la sécurité physique et psychique des élèves vulnérables que sont souvent les élèves malades est parfois mal évaluée et les objectifs des interventions ou prestations peuvent être décalés et échapper au cadre pédagogique. Il convient donc de s’assurer que ces opportunités de pratiques ou de rencontres restent contrôlées par les enseignants en lien avec les professionnels de santé. Dans cette perspective également, la modalité de diffusion à l’extérieur du cadre scolaire des productions ou prestations des élèves mérite une attention et une prudence particulières.
Pour conclure
Engager les élèves malades dans des pratiques artistiques et culturelles est d'une importance capitale. Convaincu de leurs enjeux spécifiques pour ces élèves, le professeur doit d'abord se faire confiance et oser l'expérience. En faisant confiance à l'élève et à ses ressources, en privilégiant l'observation et le dialogue, l'information et la collaboration, en s'appuyant sur des expertises multiples et partagées, il pourra ainsi lui donner confiance.
Il est nécessaire en outre, pour tenir compte des contraintes médicales influant sur la disponibilité pour les apprentissages et des modes de scolarisation multiples, de disposer de toute la palette offerte par les six domaines artistiques que comporte l’Histoire des arts. Il ne faut pas hésiter, à cet égard, à réintroduire un contact direct avec les œuvres et les artistes, à privilégier autant que possible les visites des lieux culturels choisis et de faire découvrir et même pratiquer les arts du spectacle vivant, pour offrir une opportunité de sortie aux des élèves atteints de maladies chroniques condamnés à vivre trop souvent dans un univers virtuel. Néanmoins les outils numériques, les nouvelles technologies de communication, bien maîtrisés par les élèves en général, sont de précieux tremplins pour une production artistique diversifiée et adaptée à des conditions de scolarisation particulières. Il faut les expérimenter, ne pas en priver les élèves, et surtout les accompagner dans leur utilisation à des fins artistiques ou culturelles.
L’éducation artistique et culturelle, parce qu’elle permet de s’adapter aux centres d’intérêts et aux capacités préservées des élèves malades, est un outil précieux pour enseigner dans bien des disciplines scolaires et restent une occasion d’épanouissement qui permet de donner du sens à leur vie au présent.
03/11/2020
La culture et les arts au cœur de l’École de la confiance : Ministère de l’Éducation nationale.
Parcours d'éducation artistique et culturelle : arrêté du 1er juillet 2015. BO/ Bulletin Officiel, 9 juillet 2015, 28.
Guides pratiques de l’accessibilité : Ministère de la Culture
Le Plan d’Accompagnement Personnalisé
Circulaire n° 2015-016 du 22 janvier 2015 (BOEN n° 5 du 29-01-2015)
Circulaire n° 2015-129 du 21-8-2015 : Unités localisées pour l'inclusion scolaire (Ulis), dispositifs pour la scolarisation des élèves en situation de handicap dans le premier et le second degrés.
Création et organisation d'unités d'enseignement dans les établissements et services médico-sociaux ou de santé : arrêté du 2-4-2009, J.O. du 8-4-2009.
Circulaire n° 2017-084 du 3-5-2017 : Missions et activités des personnels chargés de l'accompagnement des élèves en situation de handicap.
ORNA L'Observatoire national des ressources numériques adaptées recense des ressources numériques utilisables par des professeurs non spécialisés confrontés à la scolarisation d'élèves en situation de handicap (logiciels, applications tablettes, matériels, sites internet, cédéroms, DVD-Rom, bibliothèques numériques.
Vivre avec une maladie rare : aides et prestations pour les personnes atteintes de maladies rares et leurs proches (aidants familiaux/proches aidants) : Ce Cahier Orphanet est un document qui a pour objectif d’informer les malades atteints de maladies rares ainsi que leurs proches de leurs droits et de les guider dans le système de soins.
Guide pour scolariser les élèves en situation de handicap. Guide élaboré par le Ministère de l'Éducation nationale
D'autres informations peuvent être obtenues par le n° Azur de la ligne « Aide Handicap École » au 08 10 55 55 00.
Loi du 11 février 2005 sur l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées
(voir en particulier l'Article 19)