Présentation

Parler des élèves atteints de maladies chroniques en général n'est pas chose aisée tant les tableaux cliniques comme les situations de scolarisation sont variés. Si pour certains la maladie n'empêche pas d'aller à l'école, au collège ou au lycée de façon régulière, pour d'autres le cadre de scolarisation peut être essentiellement celui de structures et de dispositifs scolaires à l'hôpital ou dans des établissements sanitaires et même au domicile. On peut néanmoins pointer des éléments communs à ces élèves dont le statut de malade est synonyme de « besoins éducatifs particuliers ». La continuité du parcours scolaire, qui demeure pour tous un enjeu essentiel, peut être dans certains cas difficile à maintenir. Favoriser la continuité du parcours ne signifie pas seulement se soucier de l'absence de rupture dans l'inscription scolaire de l'élève mais suppose aussi que tout soit mis en oeuvre pour que l'élève malade reste effectivement élève, c'est à dire qu'il s'investisse dans les apprentissages.
Or la maladie chronique ou celle évoluant sur une longue durée a des répercussions notables sur les apprentissages, et c'est pourquoi les élèves qui en souffrent bénéficient de Projet d'accueil individualisé (PAI) ou/et de Projet Personnalisé de Scolarisation (PPS). Ils sont confrontés en effet à des obstacles souvent invisibles aux professeurs, donc difficiles à identifier et à quantifier. On peut relever entre autres à cet égard les conséquences d'une scolarité en pointillés ou de ruptures importantes de la scolarité, d'un temps scolaire généralement très raccourci du fait des soins et des rééducations, celles liées à des épisodes douloureux, à une fatigabilité importante à laquelle s'ajoutent souvent des problèmes de concentration et de mémorisation.
La liste est loin d'être exhaustive. Pour toutes ces raisons la disponibilité pour les apprentissages est réduite. Et bien souvent l'ensemble de ces facteurs a engendré une situation d'échec scolaire plus ou moins durable, déterminante dans la relation à l'école et à l'enseignement. D'autant que, souvent confrontés à l'angoisse de l'avenir, ces élèves ont parfois plus que d'autres du mal à donner du sens aux apprentissages scolaires et peuvent apparaître comme démotivés.
La situation du jeune va concerner aussi son entourage familial (parents, fratrie). Une histoire familiale singulière peut réactiver les blessures passées de chacun, à chaque étape de la vie du jeune malade : l'entrée à l'école et la progression tout au long du cursus scolaire, puis l'entrée dans l'adolescence avec l'orientation scolaire et professionnelle... C'est l'ensemble de ce contexte qui influera sur l'investissement scolaire en général et sur les activités scientifiques à l'école en particulier.

L'enseignement des sciences et de la technologie a pour premier objectif la découverte du monde vivant et technique. Il doit permettre la construction d'une culture scientifique de base, donnant repères et outils afin de devenir capable d'agir dessus. L'enseignement scientifique et technologique place donc l'élève le plus possible en prise directe avec le monde. Proche du réel dans le premier degré, il s'en distancie dans le second degré afin d'acquérir une représentation plus globale du monde. En développant de nouvelles capacités et attitudes, l'élève est conduit à agir sur une partie du monde, ce qui l'aide peu à peu à le comprendre et en prendre possession.
Du point de vue didactique, l'enseignement des sciences et de la technologie doit demeurer concret et proche des contextes de vie des élèves. Il repose sur l'observation directe et le questionnement, faisant émerger des hypothèses en réponse aux questions initiales et donnant lieu autant que possible à des expérimentations. L'élève s'interroge, agit de façon raisonnée et communique avec ses camarades. Les activités scientifiques vont donc au-delà des objectifs habituels en science et permettent le développement d'autres compétences (travailler en groupe et participer à des échanges, communiquer par oral ou par écrit). Elles sont en liaison avec les apprentissages fondamentaux, en particulier avec la maîtrise du langage oral et écrit.
Les activités scientifiques permettent ainsi à l'enfant de se construire comme être vivant particulier en se différenciant des « autres » vivants et de s'inscrire peu à peu dans le monde qui l'entoure. Au travers des questions qu'il pose et s'appuyant sur son observation critique, il acquiert une maîtrise de son environnement grâce à une meilleure compréhension de celui-ci.

 

Enjeux des activités scientifiques

L'élève malade est avant tout un élève et à ce titre doit tendre vers une scolarisation la plus proche de celle de ses camarades, avec les mêmes objectifs d'apprentissage.
Constituant l'une des sept compétences du socle commun (que tout élève doit maîtriser en fin de scolarité obligatoire), la culture scientifique et technologique repose notamment sur une connaissance des principes et des finalités du raisonnement scientifique, une pratique de la démarche scientifique et une compréhension des techniques courantes (conception, réalisation et fonctionnement des objets techniques). Tout doit donc être mis en œuvre pour que l'élève avec une maladie chronique bénéficie de cette culture dans les différents axes indiqués ci-dessus.

Dans les programmes scolaires, les objectifs de l'école sont de permettre à l'élève de comprendre et de décrire « la nature et le monde créé par l'Homme » ainsi que « les changements induits par l'activité humaine ». L'élève est aussi dès l'école maternelle « initié à la démarche d'investigation » afin de développer sa « curiosité, [sa] créativité, [son] esprit critique » ainsi qu'un intérêt pour « le progrès scientifique et technique ».
Ainsi, dès le début de sa scolarité, l'élève découvre « le monde proche. » « Il commence à comprendre ce qui distingue le vivant du non-vivant (matière, objets) », il observe et pose des questions, apprenant ainsi à « adopter un autre point de vue que le sien propre ». Quelle que soit son histoire, la prise de conscience du vivant aide l'enfant à se construire une identité propre mais peut alors lui faire prendre conscience de sa différence, conséquente de son affection chronique.

Au cycle des apprentissages fondamentaux (CP et CE1), la découverte du monde est un élément important de la construction du jeune élève. Il se différencie des autres êtres vivants et affine peu à peu ses connaissances « des caractéristiques du vivant : naissance, croissance et reproduction », ainsi que des aspects de « nutrition et régimes alimentaires des animaux ». Il est amené à mettre en évidence « les interactions entre les êtres vivants et leur environnement ». D'autre part, il apprend « quelques règles d'hygiène et de sécurité personnelles et collectives ». L'apprentissage des différents modes alimentaires des animaux peut alors ramener l'élève aux possibles interdits alimentaires générés par son affection. De même, l'apprentissage des premières règles d'hygiène peuvent mettre en avant les risques conséquents d'une mauvaise hygiène de vie et renvoyer le jeune à ses propres inquiétudes concernant sa maladie.

Au cycle des approfondissements (CE2 à CM2), « Familiarisés avec une approche sensible de la nature, les élèves apprennent à être responsables face à l'environnement, au monde vivant, à la santé. Ils comprennent que le développement durable correspond aux besoins des générations actuelles et futures. ». Cette responsabilité face à sa propre santé peut parfois paraître dérisoire au jeune avec affection chronique, son habitude des équipes médicales lui ayant sans doute parfois montré les limites de ses actes. Cependant, il est sans doute particulièrement familiarisé par les équipes soignantes à la responsabilité de chacun concernant sa propre santé et peut montrer à quel point cela peut être vital. La maladie peut aussi avoir rendu l'élève sensible aux conséquences de son environnement sur sa santé, celui ayant alors une attention particulière aux enseignements relatifs au développement durable.

Dans le secondaire, la formation scientifique se poursuit dans la continuité de l'école primaire. Au collège, les programmes «privilégient une démarche d'investigation pour les disciplines scientifiques et la technologie » qui « s'appuie sur le questionnement des élèves sur le monde réel, en sciences et technologies ». La poursuite de la construction d'une démarche d'investigation inscrite dans un questionnement concret doit aider le jeune à mieux maîtriser sa propre situation et à aborder son projet de formation et de vie avec plus de sérénité. La capacité à interroger le monde, qu'il a souvent acquise très tôt (sans doute au moment de la survenue de son affection), peut trouver au travers de ces activités scientifiques et technologiques l'occasion de se décentrer et de s'ouvrir à de nouveaux questionnements.

 

Points de vigilance

La prise en compte de l'élève dans sa globalité et dans sa particularité doit être prioritaire, compte tenu de la diversité des activités scientifiques et des thèmes à aborder au cours de sa scolarité, afin de concevoir une programmation en accord avec les instructions officielles tout en répondant à ses besoins particuliers.

Au cours de sa scolarité, l'élève participe à des activités scientifiques qui englobent des thèmes variés. Partant de l'étude des êtres vivants, il sera confronté aux questions liées à l'étude du corps et de la biologie humaine. Ainsi, naissance, croissance et reproduction sont des thématiques qui peuvent renvoyer l'élève à l'histoire de sa maladie ou à ses conséquences. Ce domaine peut provoquer alors l'irruption de questions sur son état de santé et sur sa pathologie, tant de la part du jeune malade que de la part de ses pairs. Les choix thématiques faits par l'enseignant devront parfois prendre en compte ces éléments. La collaboration avec les partenaires soignants ou le recours au médecin ou à l'infirmière scolaire sont des ressources à ne pas négliger. Un dialogue avec l'élève et sa famille pourra également éclairer les difficultés possibles et faciliter les choix.
Cependant, la connaissance approfondie que l'élève a majoritairement de son affection et de ses conséquences peut dans certaines situations être prise en compte et valoriser le jeune malade quand celui-ci le souhaite.

Lors de la mise en place d'activité d'observation, la fatigue ou la fatigabilité de l'élève ne doivent pas être oubliées. De même, certaines affections entraînent des douleurs chroniques ou aigues qu'il faut anticiper dans le déroulement des activités, afin d'en réduire la possible survenue.

Toutes les activités impliquant des déplacements doivent être préparées, compte tenu par exemple de la prise de médicaments ou de besoin d'assistance spécifique. Les éléments contenus dans le PAI ou dans le PPS seront alors utiles.

Dans le cadre des temps d'expérimentation, l'élève peut aussi rencontrer des difficultés dans les actions engageant la motricité fine, la force musculaire, ou encore une attention longue ou soutenue, ce qu'il faut savoir anticiper en prévoyant des modalités spécifiques (comme le travail en binôme, l'emploi de matériel spécifique, le découpage des actions...).

La motivation est importante pour l'inscription et la participation réelle de l'élève dans ses apprentissages. Pour l'élève envahi par son affection chronique, en particulier lorsque son climat familial est organisé autour de sa pathologie, il peut être difficile de s'extraire de cet enfermement et d'éprouver de la curiosité intellectuelle. Ainsi, l'envie de réaliser des manipulations et des expérimentations scientifiques peut être absente. C'est grâce au questionnement et à la mise en évidence de possibles centres d'intérêt et en proposant des situations surprenantes déclenchant de grandes questions que l'enseignant aidera l'élève à se tourner vers l'extérieur.

Quand l'élève est accompagné par un AESH ( Accompagnant d'Elève en Situation de Handicap), la collaboration avec celui ou celle-ci permet d'aménager au mieux les situations d'apprentissage dans leur diversité (en classe et en sortie scolaire).

Les contraintes induites en termes de traitement et de suivi de l'affection peuvent être un obstacle à l'investissement de l'élève dans les activités. En effet, lorsque le travail implique l'observation régulière (par exemple d'une graine pour en étudier son développement) et que l'élève n'est présent que de façon irrégulière, il ne peut pleinement participer aux travaux et aux débats initiés à cette occasion. On peut lui transmettre des photographies des cultures ou des élevages réalisés, accompagnés des comptes rendus écrits qui ont été produits. Un rappel de ce qui a été fait ou une séance plus individualisée facilitera son implication lors de son retour en classe.

 

Préconisations

L'enseignant doit d'abord penser à s'appuyer sur toutes les ressources dont il peut disposer : celles du milieu dans lequel il exerce (l'établissement, l'environnement proche et plus large, les différentes équipes et les partenaires variés), ses propres ressources (expérience, documentation personnelle, imagination, compétences diverses...), celles des élèves (connaissances, attentes, motivations, milieu familial) et des ressources plus générales (bibliothèque, internet, journaux). C'est en mettant en concordance celles-ci qu'il pourra avec bonheur conduire des activités en sciences ou en technologie.

La mise en œuvre d'activités scientifiques avec des élèves atteints de maladie chronique doit tenir compte du contexte dans lequel elles se dérouleront, de la durée disponible pour les réaliser et des besoins éducatifs particuliers des élèves. Les objectifs pédagogiques retenus et les évaluations réalisées varieront donc aussi en fonction de ces critères. Cependant, dans tous les cas, les activités seront toujours en correspondance avec les objectifs visés par les programmes scolaires (Socle commun) et les compétences attendues en fin de scolarité pour tous les élèves (Livret personnel de compétences).

Ainsi le lieu de scolarisation aura une influence sur les choix pédagogiques : l'espace hospitalier est rarement propice à l'introduction du vivant (plantes ou animaux), l'enseignant devant alors utiliser des ressources documentaires et/ou numériques pour proposer des activités dans ce domaine-là. Par contre, l'élève hospitalisé à son domicile peut trouver de l'intérêt à observer et entretenir des plantations (en lien avec celles réalisées dans sa classe d'origine). Le cadre hospitalier peut par contre être intéressant pour l'étude de l'électricité, de la transmission de mouvement ou de différents objets techniques que l'on rencontre à l'hôpital. Les thématiques liées au corps ne seront sans doute pas à privilégier à l'hôpital, la place prise par celui-ci étant déjà majeure dans la vie de l'élève hospitalisé.

L'enseignant aura aussi à prendre en compte le temps dont il va disposer et son découpage. Si l'élève n'est présent qu'un temps court en classe, l'enseignant pourra utilement associer aux objectifs de connaissance d'une séance scientifique des objectifs en langue ou en mathématiques. Ainsi, l'étude des étoiles peut être l'occasion d'aborder des notions mathématiques ou une activité sur les états de l'eau peut déboucher sur l'écriture d'un texte aux formes qui différeront selon son destinataire. Si l'élève est présent majoritairement en classe mais s'absente pour une hospitalisation, différentes formes de liaisons seront possibles (transmission à distance par courrier, photographies, internet, caméra), lui permettant de suivre les travaux et d'y participer, même en décalage.

D'autre part, les choix du pédagogue varieront selon les conséquences de l'affection, tant dans le déroulement des séances (en groupe, en binôme ou individuellement) que dans la prise en compte du moment du déroulement (fatigabilité, épisodes de la maladie très douloureux ou créateurs d'inquiétudes fortes) pour permettre à l'élève d'être acteur et disponible pour des apprentissages scientifiques, et que dans le choix des thèmes abordés. Les activités proposées tiendront aussi compte d'éventuelles difficultés particulières comme des difficultés de concentration ou de mémorisation.

Les activités scientifiques ont un intérêt particulier : elles donnent la possibilité à l'élève atteint d'affection chronique de « sortir » de sa maladie, de l'oublier un moment. En choisissant des thèmes qui font rêver comme l'astronomie, la mer et le monde aquatique ou en s'appuyant sur une actualité mondiale (un séisme, une éruption de volcan, la découverte d'un nouveau poisson dans les fonds sous-marins ou d'une nouvelle étoile...), l'enseignant propose à l'élève de s'approprier le monde et de prendre de la distance avec sa situation quotidienne souvent pesante.

 

Récapitulatif des mesures à privilégier

- Avoir à l'esprit que l'élève atteint de maladie chronique est d'abord un élève, mais que son histoire particulière aura des répercussions sur son investissement dans l'activité scientifique.
- S'appuyer sur les ressources disponibles pour mettre en œuvre des activités scientifiques répondant aux besoins de l'élève.
- Les activités scientifiques permettent à l'enfant ou l'adolescent avec affection chronique de trouver des réponses aux questions que sa maladie lui pose, mais lui ouvre aussi la possibilité de s'approprier le monde et d'y trouver sa place.
- Les activités scientifiques englobant de nombreux thèmes d'études, l'enseignant pourra à loisir faire des choix en adéquation avec les besoins particuliers de l'élève atteint de maladie chronique.

16/03/21

Circulaire n° 2017-084 du 3-5-2017: Missions et activités des personnels chargés de l'accompagnement des élèves en situation de handicap

Cap école inclusive : des outils pour accompagner tous les élèves, à destination des équipes éducatives, sur le site du réseau Canopé

Enseigner les sciences et la technologie à l'école élémentaire. Dossier du Ministère de l'Education nationale sur la culture scientifique et technologique

Cité des sciences
Site de la Cité des sciences de Paris

Handi'Sciences
Site de l'INS HEA pour la promotion de l'enseignement des sciences auprès des élèves en situation de handicap

La main à la pâte
Site de La main à la pâte. Académie des Sciences

Planète Sciences
Site de l'association Planète Sciences (Astronomie, nature, robotique)

Sciences de la Vie et de la Terre cycle 4
Ressources du Ministère de l'Education nationale concernant les SVT au collège

Technologie cycle 4
Ressources du Ministère de l'Education nationale concernant la technologie au collège

ORNA L'Observatoire national des ressources numériques adaptées recense des ressources numériques utilisables par des professeurs non spécialisés confrontés à la scolarisation d'élèves en situation de handicap (logiciels, applications tablettes, matériels, sites internet, cédéroms, DVD-Rom, bibliothèques numériques.

Enquête et partage