Qu'est-ce que le syndrome de Moebius

Depuis les descriptions du Dr Von Grafe en 1880 et du Dr Paul Julius Moebius (neurologue allemand) en 1888, le syndrome de Moebius est défini par une paralysie uni ou bilatérale des muscles du visage et des muscles externes de l'œil. Les expressions faciales sont de ce fait très pauvres et l'impossibilité de porter les yeux vers l'extérieur donne l'aspect d'un strabisme. L'ouverture de la bouche est souvent limitée et la motricité de la langue peut être altérée. À ces atteintes de plusieurs nerfs crâniens peuvent s'associer des déformations des pieds ou des malformations de la main ou des doigts.

Pourquoi ?

L'origine du syndrome de Moebius reste incertaine. Une hérédité n'a été observée que dans de rares familles. Dans la grande majorité des cas, le syndrome de Moebius survient sans antécédent de la sorte dans la famille, ni évènement pendant la grossesse.
Plusieurs constatations font penser qu'il serait la conséquence d'une atteinte du tronc cérébral (une structure profonde du cerveau d'où naissent les nerfs crâniens) par un accident vasculaire survenu au cours de la vie embryonnaire. Des examens d'imagerie cérébrale (échographie, scanner et résonance magnétique (IRM)) ont en effet permis de montrer que le tronc cérébral de personnes concernées était de faible dimension ou comportait des anomalies.
De nouvelles recherches cliniques, biologiques et génétiques sont nécessaires pour déterminer plus précisément les causes du syndrome de Moebius.

Quels symptômes et quelles conséquences ?

La pauvreté de la mimique faciale (avec des expressions faciales limitées, une incapacité à sourire, à bien fermer la bouche, à froncer les sourcils...) et les troubles visuels avec une impossibilité à porter le regard sur les côtés sont constants. À ces atteintes peuvent s'associer des déformations des pieds (pieds bots) ou des malformations de la main ou des doigts (accolement des doigts, présence de doigts surnuméraires...).

À l'âge scolaire, le manque de force au niveau des muscles du visage et du cou peut être à l'origine d'un certain nombre de complications :
o Il entraîne d'importantes difficultés articulatoires, à l'origine d'un retard de langage et de parole. Le défaut de serrage des lèvres laisse fuir l'air par la bouche et rend très difficile la prononciation des consonnes labiales (m, p, b). Du fait du manque de tonicité des muscles du voile du palais (le clapet qui assure la séparation entre les cavités de la bouche et du nez lors de la déglutition et de la phonation), l'occlusion de la cavité buccale lors de l'émission vocale est incomplète avec des fuites d'air par le nez responsables d'une voix nasonnée. La voix est souvent plus chuchotée que projetée, l'enfant tente de compenser ses déficiences par des sons gutturaux. Ces troubles articulatoires rendent le langage difficilement compréhensible.
o Par ailleurs, la faiblesse de serrage des lèvres entraîne une fuite de salive avec un bavage qui peut être long à disparaître, après plusieurs années quelquefois.
o Des troubles alimentaires sont fréquents, à type de difficultés de succion et de déglutition ou de fausses-routes alimentaires, surtout en période néonatale, puis de difficultés à mastiquer. Ils s'améliorent toujours avec le temps, mais après un délai variable d'un enfant à un autre.
o Pour l'enfant plus grand, les anomalies de la mimique, l'absence ou l'asymétrie du sourire peuvent constituer une gêne à la communication et/ou un préjudice esthétique avec, au plan psychologique, un risque de dévalorisation de l'image de soi.
La sécheresse buccale est fréquente et favorise le développement des caries. Le déséquilibre des forces musculaires des lèvres et de la langue peut aussi être responsable, à des degrés divers, d'anomalies de l'articulé dentaire et de l'occlusion dentaire.
Les otites séreuses semblent un peu plus courantes chez les enfants atteints de syndrome de Moebius que chez les autres. Elles peuvent être responsable d'un déficit auditif qui risque d'aggraver le retard de langage et de parole.
L'intelligence des enfants atteint de syndrome de Moebius est normale dans plus de 90 % des cas.

Quelques chiffres

Le syndrome de Moebius toucherait moins d'une personne sur 50 000. Les malformations des membres concerneraient environ 1/3 des personnes.

Traitement

Une prise en charge en orthophonie doit être débutée précocement et poursuivie de façon prolongée. Le travail porte initialement sur l'oralité, puis sur le développement de la parole et du langage, l'élocution et l'intelligibilité, enfin sur la mise en place du langage écrit. Dans certains cas, une opération chirurgicale sur le voile du palais est envisagée pour améliorer la qualité du langage oral.
Un suivi ophtalmologique régulier est nécessaire. Selon les cas, l'ophtalmologiste peut être amené à prescrire des verres correcteurs, des temps d'occlusion (cache sur un œil), de la rééducation orthoptique et/ou des traitements protecteurs de la conjonctive et de la cornée si les paupières ne peuvent pas se fermer complètement (larmes artificielles...). Une intervention chirurgicale est parfois proposée pour améliorer la mobilité oculaire ou le défaut de fermeture des paupières.
Certaines malformations des mains ou des pieds peuvent nécessiter une prise en charge en kinésithérapie motrice, voire une opération chirurgicale.
Une intervention chirurgicale de réhabilitation du sourire peut avoir lieu après l'âge de 7 - 8 ans. La « myoplastie d'allongement du muscle temporal », technique chirurgicale la plus fréquemment employée, consiste à transférer le tendon d'un muscle de la tempe au coin des lèvres pour relever le coin des lèvres et permettre le sourire. Une rééducation de la musculature faciale doit être entreprise de façon prolongée avant et après la chirurgie pour obtenir un résultat satisfaisant. Des injections de toxine botulinique peuvent permettre d'améliorer le résultat. Des retouches chirurgicales sont parfois nécessaires dans les années qui suivent.
Un suivi psychologique est souvent profitable pour ces enfants dont les traitements sont souvent longs et contraignants, qui peuvent avoir des difficultés à se faire comprendre et dont les relations sociales peuvent être mises à mal en raison de la pauvreté de leur mimique faciale et/ou de difficultés d'élocution.
Compte-tenu du risque élevé de caries, une bonne hygiène dentaire et un suivi régulier avec un dentiste sont nécessaires.

Conséquences sur la vie scolaire

La grande majorité des personnes atteintes du syndrome de Moebius ont une intelligence normale et peuvent suivre une scolarité ordinaire.
Pour limiter la fatigue de l'enfant, les rééducations (orthophonie, orthoptie, kinésithérapie...) seront parfois amenées à se dérouler, au moins en partie, sur le temps scolaire. Un aménagement de l'emploi du temps sera alors nécessaire et il pourra être utile d'élaborer un Projet d'accueil individualisé (PAI) voire si besoin un Projet personnalisé de scolarisation (PPS).
Pour certains enfants avec des difficultés plus importantes, il pourra être utile d'envisager un parcours scolaire adapté (Clis, Ulis, Unité d'enseignement d'un établissement ou d'un service spécialisé), avec éventuellement un accompagnement par une auxiliaire de vie scolaire.

Quand faire attention ?

Du fait de la paralysie faciale et oculaire qu'il entraîne, le syndrome de Moebius empêche l'enfant de transmettre ses émotions à son entourage par ses mimiques. Il peut donc sembler faussement indifférent ou insensible ce qui peut provoquer une incompréhension de la part des gens qui l'entourent, s'ils ne sont pas au fait de cette particularité.
Le manque de communicabilité de ces enfants (pauvreté de la mimique et troubles de l'élocution) ne doit pas non plus laisser penser qu'ils ont des difficultés cognitives. Dans leur grande majorité, ils ont un potentiel intellectuel normal, et parfois même brillant.
Du fait de ces difficultés, l'enfant risque aussi d'être confronté à des moqueries et d'avoir des difficultés à s'intégrer au groupe de pairs. Un manque de confiance en soi, un sentiment de solitude, une tendance au retrait sur soi-même peuvent en résulter. C'est pourquoi un suivi par un psychologue est souvent souhaitable. Certaines problématiques sont particulièrement sensibles à l'adolescence : la principale question est celle de la relation à l'autre, des conséquences des anomalies de la mimique sur les rencontres, la vie amoureuse, la capacité à se projeter dans l'avenir, l'insertion professionnelle. Le vécu peut être celui d'un combat quotidien sous le regard de l'autre.

Comment améliorer la vie scolaire des enfants malades ?

Il faut garder à l'esprit que l'autonomie, l'indépendance dans la vie quotidienne à la maison et à l'école, mais aussi l'autonomie psychique et dans le travail scolaire, peuvent être retardées chez les enfants qui ont un lourd passé médical.
 

L'avenir

Beaucoup d'adultes porteur d'un syndrome de Moebius mènent une vie professionnelle et familiale épanouie.

 

Pour avoir des pistes pédagogiques plus détaillées, voir la rubrique jaune.

Pour travailler en partenariat, voir la rubrique rouge.

Pour connaître le point de vue des personnes concernées, voir la rubrique verte : témoignages ou associations.

Pour voir d'autres documents complémentaires, cliquer sur les liens ci-dessous.

 

Centre de référence national malformations rares de la face
Site internet du centre de référence de l'hôpital Trousseau (AP-HP, Paris) qui s'occupe des patients ayant un syndrome de Moebius.

Le syndrome de Moebius et ses conséquences
Ce livret très complet a été élaboré par l'équipe pluridisciplinaire qui prend en charge les enfants atteints du syndrome de Moebius à l'hôpital A. Trousseau (Paris, AP-HP)

Le bavage
Un document sur le bavage: ses causes, ses conséquences, la façon dont on peut aider un enfant qui en souffre.

Acalculie

Impossibilité de reconnaître les chiffres et symboles arithmétiques, et d'effectuer les opérations arithmétiques de base (addition, soustraction, ...)

Agraphie

Grec a=privatif, graphein=écrire.
Impossibilité d'écrire.

Alexie

Grec a=privatif, lexis=mot.
Incapacité de lire et de comprendre ce qui est écrit. Cette affection est due à une lésion localisée du cerveau. La compréhension d'un texte lu par une autre personne est intacte.

Aphasie

Grec a=privatif, phasis=parole.
Perte partielle ou totale de la faculté de s'exprimer et de comprendre le langage, qu'il soit parlé ou écrit, malgré l'intégrité anatomique et fonctionnelle des organes de la phonation (langue, larynx) et indépendamment de toute atteinte neurologique d'origine sensorielle (sans difficultés d'audition ou de vue).

Dysarthrie

grec dus=difficulté et arthron=articulation.
Difficulté à parler et à émettre des sons, d'origine centrale due à des lésions cérébrales sans qu'il existe une paralysie ou des lésions des organes de la phonation c'est-à-dire de la langue, des mâchoires, du larynx. La voix apparaît trop grave ou trop aiguë, rauque, scandée, explosive et parfois complètement éteinte (aphonie).

Dyslexie/Dysorthographie

Grec dus=difficulté, lexis=mot.
Les dyslexies et dysorthographies sont un ensemble de troubles durables d'apprentissage de la lecture et de l'orthographe malgré une intelligence normale, une bonne acuité visuelle et auditive, l'absence de troubles psychologiques, psychiatriques ou neurologiques avérés, chez un enfant évoluant dans un milieu socio-culturel normalement stimulant et suivant une scolarisation normale et régulière.

Dysphagie

Grec dus=difficulté, phagein=manger.
Sensation de gêne ou de blocage ressentie au moment de l'alimentation, lors du passage des aliments dans la bouche, le pharynx ou l'œsophage.

Dysphasie

Grec dus=difficulté, phasis=parole.
Difficulté de langage due à des lésions des centres nerveux cérébraux. Elle peut cibler plus particulièrement l'expression (dysphasie expressive), la compréhension (dysphasie de réception) ou les deux à la fois (dysphasie mixte).

Fente labio-palatine

Les fentes labio-palatines sont des anomalies de développement de l'embryon, entraînant un défaut de fermeture de la lèvre supérieure et du palais. La lèvre paraît ainsi fendue dans le sens vertical à partir du nez (d'où l'ancien nom de "bec de lièvre"). Cette fente peut se prolonger tout le long du palais jusqu'à la luette. Cette malformation, très courante dans la population générale, est corrigée par une chirurgie.

Gène

Grec : genos = race.
Unité d'information génétique constituée d'un petit fragment de la molécule d'ADN. Les gènes, porteurs des informations génétiques transmises au cours des générations, contiennent les données nécessaires à la fabrication d'une protéine.

Génétique

Grec : genos = race.
Science qui étudie la transmission des caractères anatomiques, cellulaires et fonctionnels des parents aux enfants.
Voir gène.

Incompétence vélo-pharyngée

Incapacité du voile du palais à assurer l'étanchéité avec la paroi pharyngée postérieure, lors de la phonation et de la déglutition. Ces enfants ont fréquemment des problèmes de prononciation liés à un nasonnement (rhinolalie).

Muscle temporal

Muscle s'insérant normalement sur le crâne (en particulier sur l'os temporal) et sur la mandibule, participant à la fermeture de la mâchoire et, ainsi, à la mastication des aliments.

Nerfs crâniens

Ensemble de 12 paires de nerfs qui permettent la motricité et la sensibilité de la face, de la gorge, des épaules, des muscles respiratoires et des organes (cœur, estomac, intestin).

Nutrition entérale

Ce terme comprend toutes les formes de nutrition qui apportent l'alimentation directement au niveau de l'estomac ou du tube digestif, sans passer par la bouche, par le biais d'une sonde (tuyau en matière synthétique). Cette sonde peut être insérée par le nez (« sonde naso-gastrique », elle peut donc être retirée lorsque l'enfant n'en a pas besoin), ou bien par une « gastrostomie » (voir terme correspondant), orifice créé dans la paroi abdominale au niveau de l'estomac, permettant à une sonde (« sonde de gastrostomie ») d'être placée dans l'estomac directement au travers d'un « bouton ». 

Sensibilité

La sensibilité regroupe les capacités de l'organisme du sens du touché. Elle regroupe :
- la sensibilité épicritique : au niveau de la peau et des muqueuses, des cellules réceptrices permettent de déterminer au contact si l'objet est lisse, rugueux, plat, pointu, appuyé fortement ou légèrement etc.
- la sensibilité thermo-algique : ces cellules de la sensibilité, situées au niveau de la peau, transmettent les informations de douleur et de température (l'objet touché est froid ou chaud ou brûlant)
- la sensibilité proprioceptive : les cellules réceptrices sont situées dans les muscles, tendons et articulations. Cela permet au sujet d'avoir conscience de la position de son propre corps et de l'état de contraction ou non de ses muscles (ainsi, les yeux fermés, nous sommes capable de déterminer si notre bras droit est levé en l'air ou le long du corps, la bouche ouverte ou fermée etc.)

Sonde naso-gastrique

La sonde naso-gastrique est un tuyau en matière synthétique, posée au niveau du nez et dont l'extrémitée est au niveau de l'estomac.
Elle est utilisée
- soit pour vider l'estomac, en cas de problème digestif important (comme une occlusion par exemple),
- soit pour alimenter le sujet lorsque la voie orale est contre-indiquée ou n'est pas suffisante. (voir glossaire : "Nutrition entérale")

Tronc cérébral

Le tronc cérébral est une structure du cerveau située dans le crâne, faisant la jonction entre le cerveau à proprement dit, le cervelet et la moelle épinière. Ses fonctions sont multiples :
- il est une zone de passage de toutes les voies nerveuses partant du cerveau et du cervelet ou y arrivant, y compris les nerfs visuels et auditifs.
- c'est de lui que naissent la plupart des nerfs crâniens.

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