L’histoire et la géographie sont deux disciplines abordées tout au long de la scolarité obligatoire des élèves en France. Des compétences spécifiques y sont travaillées dès le cycle 2 (« questionner le monde ») jusqu’à la terminale (quelle que soit la filière, générale, technologique et professionnelle) et d’autres transversales au Socle commun de connaissances, de compétences et de culture (Domaines 1, 2 et 3 du socle notamment). Elles font l’objet d’évaluations systématiques dans le cadre des examens (CFG, brevet des collèges, baccalauréat). Plus largement, ce sont des disciplines qui participent à la construction d’une culture générale et partagée et à l’ouverture sur le monde, dans ses dimensions temporelles et spatiales.
Pour les enfants atteints de maladies chroniques, elles peuvent être l’enjeu de défis majeurs. Outre les douleurs et la fatigue, comme dans les autres domaines scolaires, il peut y avoir des répercussions sur les apprentissages, ponctuelles ou persistantes. Les élèves malades ont également des conditions et des contextes de scolarisation spécifiques : temps de scolarisation réduit, parcours scolaire discontinu, lieux de scolarisation multiples... Il appartient au professeur d’assurer la sécurité physique, psychique de l’élève, de proposer les aménagements choisis, de favoriser la continuité de ses apprentissages et sa posture d’élève (voir fiche « Besoins éducatifs particuliers : réponses »).
Au-delà de ces éléments communs, l’enseignement de l’histoire et de la géographie auprès de ces élèves appellent à des points de vigilance spécifiques, mais aussi des points d’appui particuliers et ouvrent vers des pistes pédagogiques variées.
Les points de vigilance
Dans la construction de repères temporels et l’apprentissage de l’Histoire
La construction de repères temporels constitue le « fil rouge » des programmes d’histoire tout au long de la scolarité. L’élève s’approprie d’abord une base chronologique à l’école primaire, avec des jalons centrés sur l’histoire du territoire de la France actuelle, articulés à partir d’événements précis (la bataille d’Alésia en 52 avant JC) et de périodes (la Renaissance) parfois élargis à une dimension plutôt européenne (l’Empire romain, la Révolution industrielle). Cette base est reprise et étoffée au cours des années de collège où un programme chronologique s’étale de la Préhistoire à l’époque contemporaine, dans une dimension européenne et parfois mondiale (en particulier en troisième). Enfin, au lycée, de grandes thématiques périodiques (la Méditerranée médiévale) sont approfondies, toujours dans un ordre chronologique qui redémarre en seconde.
Pour un élève atteint de maladie chronique, au-delà des défis propres à tous les élèves, plusieurs points de vigilance apparaissent au travers du déroulé de ce programme :
- Le suivi et la construction même de ces repères, impactés par ses absences liées à la maladie (hospitalisation, maintien à domicile), qui peuvent être prévues (soins programmés) ou imprévues (opération en urgence). La présence en classe discontinue peut fortement perturber la construction de ces repères, les ruptures de scolarisation provoquant des ruptures dans la chronologie, le rythme des leçons étant parfois très soutenu. La compréhension des enjeux historiques peut devenir également très difficile (comment comprendre la Deuxième Guerre Mondiale si l’on n’a pas étudié les régimes totalitaires ?).
- La mémorisation : outre le suivi en pointillés des élèves malades, leur pathologie peut toucher la mémorisation elle-même (pathologies cérébrales par exemple). La fatigue, la douleur ou encore un état psychologique délicat (dépression) peuvent rendre l’enfant ou l’adolescent très peu disponible pour mobiliser l’énergie nécessaire à ce travail. Parfois même, c’est impossible (traumatisme crânien), au moins temporairement
- Les sujets en lien avec la maladie et la mort : les thématiques abordées peuvent renvoyer l’élève à des sujets très sensibles, qui provoquent toutes sortes de réactions et d’émotions possibles (les grandes épidémies de peste du Moyen-Âge, les génocides du XXème siècle) : la peur, la douleur, la fascination…
Dans la construction de repères spatiaux et l’apprentissage de la Géographie
Tout comme l’histoire, l’étude de la géographie jalonne l’ensemble de la scolarité, du cycle 2 à la terminale. Les programmes et les compétences qui y sont liées s’organisent selon des changements d’échelles permettant d’aborder des repères et des problématiques locaux, dans l’espace dit « vécu » et « perçu » ainsi que des repères mondiaux et des problématiques globales, et ce dès le cycle 2 (par exemple étude d’un marché au Cambodge suggérée sur le site Eduscol).
Cette articulation permet de construire progressivement des repères spatiaux et une culture géographique commune.
Certains points appellent une vigilance particulière :
- Les absences répétées nuisent à la construction des repères géographiques. Les programmes sont construits en emboîtement d’échelles, permettant à l’élève de faire des liens entre des études de cas et des configurations spatiales plus générales (étude d’une station balnéaire aux Baléares en sixième pour comprendre un des aspects du tourisme dans le monde). Le travail développé autour d’un lieu et de ses enjeux géographiques permet ensuite de le comparer à d’autres espaces (étude de types d’espaces industrialo-portuaires, des métropoles dans le monde). Ces sites étudiés sont autant de repères nouveaux sur des cartes d’espace plus large, qui accumulent des informations abordées au cours de l’année (carte des métropoles, des grandes puissances…).
- La mémorisation et la construction de pensées abstraites (les échanges à l’échelle du monde) peuvent être mises en échec par la fatigue et par la maladie.
- La production écrite, en particulier la cartographie et la schématisation : en géographie, le travail de l’élève peut prendre la forme d’une production de carte (de synthèse par exemple, sur le Brésil) ou d’un schéma (métropole asiatique). La fatigue, la douleur et/ou des difficultés motrices provoquées par la maladie peuvent rendre cette production très énergivore, source d’anxiété ou très difficile.
Les points d’appui
- L’observation et le « partenariat », sources de connaissance de l’élève
Le suivi de l’élève atteint de maladie chronique suppose de la part de l’enseignant une observation fine, renouvelée de cet élève (état de fatigue, risque d’absence, démotivation…), en particulier lors des situations d’apprentissage (lenteur, difficulté d’exécution, échanges avec ses pairs), ainsi que des échanges réguliers avec lui (formels ou informels, sur des sujets spécifiques comme la date appropriée et les modalités d’une évaluation, ou plus généraux) ainsi qu’avec les adultes qui l’entourent (famille, équipe enseignante à l’hôpital ou au domicile…) Les supports écrits et institutionnels : Projet Personnalisé de scolarisation (PPS) et Projet d'Accueil Individualisé (PAI) peuvent également informer l'enseignant, en particulier sur les adaptations pédagogiques et les conditions d’examen (temps supplémentaire, secrétariat…) réfléchies pour l’élève. Cette observation et ce partenariat se doivent d’être dynamiques et évolutifs.
- Les compétences propres de chacun des élèves
L’observation fine de chaque élève (comme suggérée dans la fiche « Besoins éducatifs particuliers ») permet de le replacer non plus comme « patient » et « passif » mais comme « apprenant » et si possible « actif ». Elle permet d’évaluer les compétences individuelles qui constituent des points d’appui pour mettre en avant cet élève ; du fait de leur isolement fréquent, de nombreux élèves atteints de maladies chroniques développent des connaissances spécifiques sur des périodes ou des lieux qui les passionnent (la mythologie grecque, la conquête spatiale, le Canada...). Ces connaissances peuvent constituer une source de valorisation, dans le cadre d’un exposé ou d’une intervention spécifique.
- Les compétences numériques
Du fait d’épisodes de scolarisation à l’hôpital et au domicile, mais aussi de mise à disposition de matériel de compensation (ordinateur, tablette) lié à leur maladie, de nombreux jeunes malades acquièrent des compétences précoces dans le domaine numérique (maîtrise des outils d’écriture et de dessin, d’enregistrement, de jeux…).
- Les compétences sociales
La fréquence des relations duelles avec de nombreux professionnels adultes, enseignants mais aussi médicaux, paramédicaux et rééducateurs rend souvent ces élèves à l’aise à l’oral, dans l’échange. On observe aussi fréquemment une grande capacité d’adaptation de leur part. Si la sécurité doit toujours être assurée, les modalités d’enseignement peuvent ainsi évoluer (changement de configuration de la salle de classe, leçon à l’extérieur, travail de groupe).
- Le besoin de voyager dans le temps, dans l’espace ; de rêver
Le quotidien des enfants malades étant difficile à vivre, le besoin de s’en extraire est encore plus grand que celui des autres enfants. L’histoire et la géographie sont des disciplines où l’enseignant peut largement s’engouffrer pour répondre à ce besoin (récit mythique, saynètes d’histoire, reportages).
Pistes pédagogiques proposées
Les disciplines de l’histoire et de la géographie permettent d’envisager des pistes pédagogiques variées pour répondre aux besoins éducatifs particuliers des élèves atteints de maladie chronique.
- Pour favoriser la mémorisation et l’enracinement des repères construits en classe, on peut constituer un classeur où l’élève pourra glisser, à l’aide de son/ses enseignants des fiches reprenant les éléments fondamentaux, les repères d’une leçon sous forme écrite et/ou imagée. Ce classeur pourra être conservé tout au long de sa scolarité avec une double entrée possible : chronologique (avec des intercalaires pour chaque période par exemple) et spatiale (ensemble de cartes, fiches d’études de cas, avec un classement par continent ou thème). L’élève peut y ajouter lui-même des supports qui complètent ces fiches utilement. Cela permet de développer un travail d’autonomie de l’élève et peut constituer un relais pour les enseignants dans d’autres modalités (à l’hôpital ou au domicile par exemple). Ce document « cumulatif » permet aussi de créer visuellement un ensemble connu, plus ou moins maîtrisé, mais tangible, pour des élèves dont des changements d’emplois du temps font perdre leurs repères (Qu’ai-je appris ? Quand a lieu cet événement ? Où est-ce ?) et de concrétiser d’éventuelles lacunes (carte de repères manquante par exemple).
- La diversité des supports et des documents étudiés en classe ou en dehors de la classe. L’enseignement de l’histoire et de la géographie implique de travailler sur une grande diversité de supports et de natures de documents, pour exercer des compétences variées transversales (« des langages pour penser et communiquer », à travers l’étude d’une caricature par exemple) ou plus spécifiques (domaine 5 « les représentations du monde et des activités humaines »). C’est aussi un formidable levier pour développer la culture générale des élèves et les aider à mémoriser. La mémoire s’appuie sur des modalités diverses (visuelle, auditive, tactile, kinesthésique) pour être efficace. Pour les enfants atteints de maladie chronique, certaines modalités peuvent être moins efficientes, en particulier quand elles sont conjuguées à la fatigue et/ou la douleur. Proposer au moins deux modalités pour les savoirs à retenir est un moyen efficace pour développer des stratégies de mémorisation (exemple : l’appel du 18 juin 1940 de Charles de Gaulle en audio re-enregistré sur le site de l’Ina et sous forme écrite). Il convient également de la part du professeur d’être à l’écoute de l’élève dans ses propositions, si, par métacognition, celui-ci parvient à identifier les modalités qui lui conviennent.
- Le travail en groupe : le travail en groupe est une modalité de travail intéressante pour les élèves atteints de maladie chronique. Il leur permet d’intégrer la classe dans une posture active d’apprenant, de développer les échanges avec ses pairs dans une situation d’apprentissage et selon les choix de l’enseignant, accéder aux fonctions intellectuelles supérieures en limitant la fatigue et les problèmes de temporalité qui empiètent sur son investissement (temps de soin par exemple sur son temps de cours). L’enseignant peut indiquer que l’élève participe uniquement oralement par exemple (si l’écriture lui prend beaucoup de temps et d’énergie) ou qu’à l’inverse, c’est lui qui prend des notes (par exemple sur support informatique, s’il est performant), afin de valoriser ses compétences auprès du groupe et de lui-même. Cette modalité permet aussi d’entrer dans le jeu (créer de petites scènes de théâtre autour d’épisodes historiques ou de culture géographique) et de challenges (concours avec questionnaires).
- L’apprentissage à distance : le développement des outils numériques a multiplié les possibilités d’apprentissage et de participation à distance. Si la situation de l’élève le lui permet, des modalités peuvent envisagées : suivi d’une partie de cours en « visio », visionnage de documentaire, enregistrement d’exposés, participation via chat, blog ou tout groupe de discussion. Ces outils permettent également une forme de « différé » afin que l’élève s’en saisisse quand il est disponible et en capacité de les utiliser ; cela lui conserve également une part active dans la vie de sa classe de référence.
- La pédagogie interdisciplinaire/transdisciplinaire et de projet : pour tous les élèves, ces entrées permettent de mettre en accord plusieurs disciplines dans l’apprentissage de connaissances et de compétences, apportant sens et souffle à l’école. De nombreux projets s’articulent autour de productions (exposés, exposition, spectacle) et/ou de sorties/voyages, marquant les années scolaires de manière spécifique. La scolarité parfois chaotique des élèves malades rend leur investissement dans ce type de projet précaire, mais cela peut aussi constituer le « fil rouge » d’une année difficile, à la fois dans son inclusion au sein de son groupe-classe et de son établissement mais aussi de sa posture d’élève et non de patient. Les entrées interdisciplinaires permettent également d’aborder de nombreux aspects dans un temps contracté (exemple de l’étude du personnage de Lavoisier en histoire, sciences, littérature et art). La souplesse des entrées des projets permet d’envisager un investissement même a minima de cet élève, pourvu qu’il participe à un projet commun.
- Enfin, concernant l'évaluation, on se reportera aux fiches Tous à l'école (à paraître) qui traitent spécifiquement de cette question : adaptations à envisager selon le temps de présence parfois réduit des élèves ou selon la nécessité de supports spécifiques.
Récapitulatif des points principaux
L’enseignement de l’histoire et de la géographie jalonne l’ensemble de la scolarité obligatoire, du cycle 2 à la Terminale. Pour l’élève touché par la maladie, ces deux disciplines sont donc incontournables mais peuvent constituer des défis majeurs. Parmi les points de vigilance, la construction de repères historiques et géographiques, dans leur suivi et dans leur mémorisation ainsi que le fait d’aborder des sujets sensibles, liés à la maladie et à la mort parfois massive, sont des enjeux importants. L’observation, fine et renouvelée, le travail en équipe ou partenariat, l’appui sur les compétences propres de l’élève, en particulier dans les domaines numérique et social ainsi que le besoin de voyager dans le temps et dans l’espace sont des points d’appui possibles. Les pistes pédagogiques pertinentes sont variées : construire un classeur de repères que va s'approprier l’élève ; jouer sur la diversification des supports, notamment pour travailler la mémoire ; utiliser la possibilité de l’enseignement à distance ; intégrer l’élève dans une dynamique de projet et d’interdisciplinarité.
Eduscol : Histoire-Géographie : Site du Ministère de l’Education Nationale, présentant les programmes mais aussi de nombreuses ressources et propositions pédagogiques.
https://eduscol.education.fr/2329/histoire-geographie
Le site « Jalons » de l’Institut national de l’audiovisuel met à disposition des professeurs et des élèves des archives audiovisuelles de 1914 à nos jours, accompagnées de contenus pédagogiques et de fonctionnalités dédiées aux usages éducatifs.
https://institut.ina.fr/actualites/jalons
Aménagement des examens pour les candidats en situation de handicap : textes officiel. Dossier INS HEA
Le Plan d’Accompagnement Personnalisé
Circulaire n° 2015-016 du 22 janvier 2015 (BOEN n°5 du 29-01-2015)
Circulaire n° 2015-129 du 21-8-2015 : Unités localisées pour l'inclusion scolaire (Ulis), dispositifs pour la scolarisation des élèves en situation de handicap dans le premier et le second degré.
Création et organisation d'unités d'enseignement dans les établissements et services médico-sociaux ou de santé : arrêté du 2-4-2009 - J.O. du 8-4-2009
Circulaire n° 2017-084 du 3-5-2017 : Missions et activités des personnels chargés de l'accompagnement des élèves en situation de handicap.
ORNA L'Observatoire national des ressources numériques adaptées recense des ressources numériques utilisables par des professeurs non spécialisés confrontés à la scolarisation d'élèves en situation de handicap ou malades (logiciels, applications tablettes, matériels, sites internet, cédéroms, DVD-Rom, bibliothèques numériques.
Vivre avec une maladie rare : aides et prestations pour les personnes atteintes de maladies rares et leurs proches (aidants familiaux/proches aidants) : Ce Cahier Orphanet est un document qui a pour objectif d’informer les malades atteints de maladies rares ainsi que leurs proches de leurs droits et de les guider dans le système de soins.
Guide pour scolariser les élèves en situation de handicap. Guide élaboré par le Ministère de l'Éducation nationale
D'autres informations peuvent être obtenues par le n° Azur de la ligne « Aide Handicap École » au 08 10 55 55 00.
(voir en particulier l'Article 19)